Entre les roues





Je n’aime pas trop faire des notes comme ça, ça fait un peu « ouuuh la guerre c’est nul, vive la paix », mais bon, quand c'est vrai …


Je les croise tous les jours, matin et soir. Ils me sourient et me saluent de la main. Je leur réponds, par politesse, c’est le minimum que je puisse faire. Je les vois tout le temps mais je ne connais pas leur prénom, ni leur nationalité ou leur âge. Et quelque soit le temps, ils sont là, à respirer la pollution au pied des feux de signalisation.


Bon Iver - Skinny Love



Ils viennent peut-être d’Afrique sub-saharienne, ils sont peut-être arrivés dans une barque chargée comme cinq, ils sont peut-être là depuis longtemps. Et ils tentent de vendre aux automobilistes quelques produits pour essayer de survivre.

Tous les jours je me dis que ce n’est pas à moi, étudiant, de les aider de nouveau ; que je peux pas donner à chaque fois ; que c’est plutôt aux cons qui tracent en 4x4 de faire des efforts, que c’est rien pour eux ; que je me rattraperai quand je serrai ingénieur, plus tard. Tous les jours j’essaie de m’en convaincre, on ne peut pas donner tout le temps, on ne peut pas donner à tous, même s’il faudrait.


Ce matin je l’ai fait pourtant, parce qu’il fait froid et que je pense à eux toute la journée. J’ai donné quelques euros, pas grand chose, même pas le prix du taxi que j’ai économisé la veille en rentrant en velib’. Mais c’est toujours ça. Il m’a remercié des yeux, m’a souri et le feux est passé au vert.

Je suis parti, avec le souvenir de sa figure joyeuse dans ma tête. Ça a égayé toute ma journée. Ce sont sûrement les personnes les plus démunies que je croise quotidiennement mais ce sont toujours les plus souriantes. Joli paradoxe et bel exemple pour les autres …


Quand on croise des SDF ou des mendiants comme ça, régulièrement, une sorte d’intimité se créé parfois, même sans se parler. On les retrouve, jour après jour, toujours au même endroit et on s’inquiète quand ils ne sont plus là. À Clermont-Ferrand, il y en avait un qui me surnommait Laspales. Je ne sais pas pourquoi – pour mon humour vaseux ou parce que j’habitais près de la gare peut-être – mais même s’il aurait pu mieux choisir, c’était touchant.




Longtemps, quand j’entendais la question « préférez-vous donner ou recevoir ? » je la trouvais idiote. Comment pouvait-on préférer donner alors qu’on donne déjà tout le temps pour les impôts, le gaz ou l’inscription à la fac ? Comment le pouvait-on, sans hypocrisie et sans faire semblant ?

Et puis un jour j’ai compris. Compris qu’on pouvait gagner beaucoup plus en donnant qu’en recevant. Compris que ce qu’on recevait n’était pas matériel et qu’on ne pouvait pas l’acheter. Ce matin après avoir donné ces quelques pièces, je me suis senti bien. Un sentiment de bonheur a traversé mon corps, j’étais heureux comme après une bonne soirée en tête-à-tête. C’est peut-être très con, c’est peut-être le sentiment d’avoir fait quelque chose de bien gratuitement, et c’est pas grand chose pourtant, presque rien, mais j’avais un sourire sur mon visage.



Un des types parmi ceux que je croise est passé à la télé nationale en Septembre car il avait retrouvé un portefeuille dans la rue et ramené au commissariat. Il y avait 700 ou 800 euros en liquide dedans et le propriétaire lui en a donné 50 car il n’y avait pas touché. C’est normal qu’il disait, on ne vole pas. Normal, oui ça l’était. Mais aurait-on tous fait la même chose dans sa condition de misère ? Car elle, elle est anormale.

Il disait ça en souriant, je me rappelle. Ça m’a fait sourire et passer une bonne journée. Décidément, ce sont vraiment des beaux exemples ces types-là …

7 commentaires:

Anonyme a dit…

Tu as raison, moi mon petit bonheur du matin (et c'est pas grand chose du tout) c'est de dire bonjour a ce monsieur qui tous les jours a 6h00 du matin balaye la rue...

Un monsieur a qui pas grand monde doit dire bonjour, mais moi c'est mon petit "truc"...

Parce intérieurement je me dis qu'il n'y a pas de travail ingrat, mais que beaucoup dénigre ce genre d'emploi...

Vui vui je sais il ne m'en faut pas beaucoup...

Papier-Machine a dit…

Quand je suis arrivée à Paris, pauvre petite provinciale que j'étais, j'ai été effarée de voir le nombre de SDF dans les rues, le métro, les parcs. Puis, il s'est passé un phénomène monstrueux quand j'y réfléchis, j'ai pris l'habitude, je ne les voyais plus. Mais le jour où j'ai réalisé ça, je me suis sentie mal voire honteuse. Depuis, je fais du bénévolat dans une association (pas pour les SDF, mais pour les réfugiés). Mais finalement, tout ça est très égoïste, ça ne résout rien si ce n'est que désormais, j'ai ma conscience pour moi. Seulement, habitant à côté du bois de Vincennes, ces derniers jours à chaque fois que j'ai allumé la radio, les actualités m'ont rappelé la triste réalité en bas de chez moi. Face à ça, je me sens complètement désarmée.

Anonyme a dit…

Mais si on commente !!
Je suis comme toi moi aussi.
Je donne de temps à autres. Je me rends compte aussi que souvent, un sourire peut faire beaucoup. La plupart des regards fuient les mendiants, les laissés pour compte. Alors parfois, je prends ma honte à deux mains et je leur souris droit dans les yeux. Et souvent ma peur du retour déçu se solde pas un grand sourire en retour. Accompagné d'un "bonne journée mademoiselle".
:) On a tous beaucoup à donner. Humainement.

Gaby a dit…

>> TeF : Non mais si tout le monde fait comme ça, on vivra quand même un peu mieux ... Je te comprends ;o)

>> Papier-Machine : Ouai ça résout rien, ça aide un peu, à peine mais au moins moralement ils vont ptet mieux. Qu'est-ce qu'on peut faire d'autre ? Eviter d'élire des gars qui tiennent pas leurs promesses ? :P

>> Sebika : Ouaui carrement, et ça fait un peu con de le dire mais si tout le monde pouvait le comprendre ...

Anonyme a dit…

Tu as été heureux et je pense que, eux aussi, autant que toi.
Tu auras, la prochaine fois que tu les vois, peut-être plus qu'un signe de tête ou un sourire.
Mais, tu as raison, on ne peut pas donner tout le temps et à tous.

nina sotte fille a dit…

Exceptionnellement, mon commentaire est la: http://once-uppon-a-time-on-ze-ouebe.blogspot.com/2008/11/en-rponse-la-note-de-gaby.html

Gaby a dit…

>> angelita : Oui, c'est difficile ... :(

>> Nina Sotte Fille : Ok, ma réponse sera donc là-bas ! :D